D'après les suivis agronomiques réalisés par l'Institut national de la recherche agronomique (MOURET et HAMMOND, 2003), l'enherbement apparaît comme la contrainte majeure de la riziculture en Camargue, tant en agriculture conventionnelle que biologique. Pour gérer l'enherbement, il faut connaître les techniques culturales disponibles, mais aussi identifier les espèces les plus agressives, ce qui permet de choisir les moyens de lutte à préconiser et de prévoir l'évolution de leurs populations. Les études sur les mauvaises herbes effectuées en Camargue précisent l'impact des pratiques culturales sur l'enherbement et contribuent ainsi à mettre en oeuvre une agriculture raisonnée, garante de la qualité des produits et du respect de l'environnement (SUTISNA, 1980 ; SANON, 1986 ; STREITO, 1992 ; MARNOTTE et al
., 2004).
Dans toutes les parcelles de riz, la flore est particulièrement abondante et diversifiée au niveau des entrées d'eau d'irrigation : ce sont des zones où la culture, moins dense du fait du courant d'eau, est moins compétitive, mais aussi des points d'arrivée des semences transportées par l'eau des canaux. Les traces de roue sont également souvent plus riches en mauvaises herbes que le reste de la parcelle.
Dans cet ouvrage centré sur le milieu rizicole, seules les espèces qui se développent dans le milieu inondé des cultures de riz sont considérées comme des mauvaises herbes. Des espèces comme Amaranthus retroflexus, Chenopodium album
ou Solanum nigrum
, qui sont des mauvaises herbes majeures des cultures exondées telles que le maïs, sont mentionnées ici simplement comme des plantes des chemins, car elles ne poussent pas dans les rizières irriguées. Aucune espèce n'a le statut absolu de mauvaise herbe : les plantes sont jugées nuisibles quand elles concurrencent une culture ou qu'elles gênent une activité humaine et qu'elles posent alors un problème d'enherbement.
L'importance relative des espèces
La flore des mauvaises herbes se compose d'une quarantaine d'espèces (les algues n'étant pas comptabilisées) : 28 espèces de monocotylédones, dont 11 Poaceae
et 6 Cyperaceae
, et 16 espèces de dicotylédones. Parmi les 21 espèces qui peuvent être considérées comme majeures, on compte 16 espèces de monocotylédones (tableaux 1 et 2).
Monocotylédones | Dicotylédones |
Alismataceae
Alisma lanceolatum Cyperaceae Bolboschoenus maritimus Cyperus difformis Schoenoplectus mucronatus Poaceae Echinochloa crus-galli subsp. crus-galli Echinochloa crus-galli subsp. hispidula Echinochloa phyllopogon Leersia oryzoides Oryza sativa Paspalum distichum Phragmites australis subsp. australis Polypogon monspeliensis Pontederiaceae Heteranthera limosa Heteranthera reniformis Typhaceae Typha domingensis Typha latifolia |
Asteraceae
Bidens frondosa Lythraceae Ammania coccinea Polygonaceae Polygonum lapathifolium Polygonum persicaria Scrophulariaceae Lindernia dubia |
Tableau 1. Espèces majeures de l'enherbement de la rizière . |
Monocotylédones | Dicotylédones |
Alismataceae
Alisma plantago-aquatica Baldellia ranunculoides Butomaceae Butomus umbellatus Cyperaceae Cyperus fuscus Cyperus glomeratus Schoenoplectus supinus Lemnaceae Lemna gibba Lemna minor Spirodela polyrhiza Poaceae Cynodon dactylon Echinochloa oryzoides Polypogon viridis |
Asteraceae
Aster squamatus Cirsium arvense Eclipta prostrata Elatinaceae Elatine triandra Lamiaceae Lycopus europaeus Lythraceae Lythrum hyssopifolia Oenotheraceae Epilobium tetragonum Ludwigia peploides Polygonaceae Polygonum aviculare Rumex crispus Ranunculaceae Ranunculus sceleratus Scrophulariaceae Veronica anagallis-aquatica |
Tableau 2. Espèces secondaires de l'enherbement de la rizière . |
Cependant, seul un nombre restreint d'espèces ont une fréquence relative supérieure à 10 % dans les parcelles d'agriculture conventionnelle : Echinochloa crus-galli
(58 %), Oryza sativa
(crodo) (43 %), Bolboschoenus maritimus
(35 %), Lindernia dubia
(33 %), Typha
spp. (25 %), Alisma lanceolatum
(14 %), Ammania coccinea
(12 %), Polypogon monspeliensis
(11 %). On retrouve les espèces connues des riziculteurs - les panisses ( Echinochloa
spp.), les triangles ( Cyperaceae
), les crodos ( Oryza sativa
) -, mais on note aussi la présence d'espèces potentiellement dangereuses pour la culture comme Lindernia dubia
et Ammania coccinea
.
Parmi les espèces moins fréquentes, certaines, comme Schoenoplectus mucronatus, Cyperus difformis, Paspalum distichum, Heteranthera limosa, Heteranthera reniformis
et Bidens frondosa
, peuvent être localement abondantes (tableaux 1 et 2).
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Echinochloa crus-galli | Oryza sativa |
|
|
Bolboschoenus maritimus | Lindernia dubia |
L'influence du mode de culture
Le mode de conduite des parcelles apparaît déterminant. Alors qu'en riziculture conventionnelle la maîtrise de l'enherbement repose essentiellement sur l'emploi d'herbicides, en riziculture biologique elle dépend principalement des rotations culturales (avec le blé dur, la luzerne...), qui permettent de rompre les cycles de multiplication des espèces envahissantes en changeant les conditions écologiques du milieu. La suppression des herbicides n'y est généralement pas compensée par d'autres techniques de lutte en cours de cycle cultural, hormis sur quelques exploitations qui pratiquent le sarclage manuel.
Les parcelles sont globalement moins enherbées en agriculture conventionnelle qu'en agriculture biologique : 61 % des parcelles biologiques sont très enherbées (avec un recouvrement supérieur ou égal à 50 %), contre 5 % pour les parcelles conventionnelles, et seulement 13 % des parcelles biologiques peuvent être considérées comme propres, contre 56 % pour les parcelles conventionnelles (figure 2).
Figure 2. Répartition des parcelles en rizicultures biologique et conventionnelle selon leur niveau d'enherbement à la floraison du riz.
Les espèces qui ont les recouvrements les plus importants sur les parcelles biologiques à la floraison du riz sont Echinochloa crus-galli, Schoenoplectus mucronatus, Bolboschoenus maritimus et Lindernia dubia (tableau 3). Les profils corrigés du recouvrement indiquent également des écarts importants entre parcelles conventionnelles et parcelles biologiques pour des espèces plus rares, comme Cyperus difformis, Alisma lanceolatum, Polygonum spp., Phragmites australis et Ammania coccinea .
Figure 3.
Répartition des parcelles en rizicultures biologique et conventionnelle selon leur richesse floristique à la floraison du riz.
Paspalum distichum , plus fréquent en culture biologique, a un recouvrement local plus important en agriculture conventionnelle, probablement lié à la maîtrise des autres espèces. Polypogon monspeliensis , le riz adventice, ou crodo, et Typha spp. se rencontrent plus fréquemment en agriculture conventionnelle. En agriculture conventionnelle, l'emploi d'herbicides de postlevée réduit l'enherbement des parcelles en cours de cycle, sauf pour les espèces vivaces, comme Phragmites australis, Cynodon dactylon, Paspalum distichum et Leersia oryzoides .
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Pour tout savoir sur les plantes des rizières de Camargue, commandez l'ouvrage de P. Marnotte, A Carrara, E. Dominati et F. Girardot, publié en 2006 par les éditions Quaé.
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